Lorsque l’on aborde le sujet (inépuisable) de la motivation au travail, un ingrédient est généralement cité comme une évidence : la reconnaissance professionnelle.  Bien sûr, tout le monde comprend cette notion.  Mais dans les faits, en consiste-t-elle vraiment ?  Quelles en sont les applications concrètes sur le lieu de travail ?

Encourager le feedback (au-delà du simple compliment), valoriser les rôles et recadrer la place que l’on occupe : 3 actions essentielles pour faire émerger une reconnaissance professionnelle véritable.

La  puissance du feedback

Au niveau du sens commun, la reconnaissance professionnelle est grosso modo assimilée aux compliments prodigués par le responsable.  Si les compliments sont appréciés, force est de constater qu’ils font souvent défaut, ce qui provoque un certain malaise dans le vécu des travailleurs.

Notons qu’un compliment porte ses effets à condition d’être :

  • mérité : un compliment associé à une prestation moyenne laisse une impression de fausse monnaie et décrédibilise tout compliment ultérieur,
  • authentique : il doit refléter fidèlement les impressions de son auteur, sans quoi le destinataire le ressent comme factice,
  • personnalisé : plus il y a d’individus visés, plus le compliment est dilué dans la masse, ce qui lui fait perdre son effet.

Mais les compliments ne sont pas les seuls à être bénéfiques.  D’une manière générale, tous les feedbacks (y compris négatifs) participent à la reconnaissance professionnelle.  En effet, une stimulation négative (par exemple une réprimande) est moins nocive qu’une absence de stimulation (qui équivaut, pour le travailleur, à ne pas exister).  Par ailleurs, un feedback négatif ouvre une possibilité, celle de s’améliorer.

L’efficacité d’un feedback-négatif nécessite que celui-ci soit :

  • constructif : l’intention doit être bienveillante,
  • exprimé en termes de comportements : ce n’est pas l’individu qui est visé,
  • orienté-solution : à l’opposé des constatations fatalistes, le feedback négatif apporte des conseils et des pistes d’amélioration.

L’assertivité est une compétence comportementale qui inclut la capacité à exprimer ou recevoir des compliments ou des critiques.  Que l’on ne s’y trompe pas, cette aptitude est loin d’être facile à mettre en œuvre d’une façon efficace.  Les managers ont donc tout à gagner à s’investir dans l’art du feedback.

L’importance des rôles

Le mot « compétence » a 2 significations :

  • aptitude du travailleur à exercer une tâche (vis-à-vis de laquelle un feedback – positif ou négatif – peut être donné),
  • attribution confiée au travailleur, désigné de ce fait comme responsable d’un champ d’action.

Justement, certains problèmes peuvent également se poser au niveau de la compétence d’attribution :

– un travailleur A s’adresse à un travailleur C pour une attribution concernant le travailleur B (par méconnaissance, distraction, évitement, inimitié …),

– deux travailleurs entrent en conflit parce qu’ils revendiquent chacun un domaine mal défini ou à cheval entre deux attributions (une « zone grise »),

– un travailleur marche sur les « plates-bandes » d’un autre, soit directement (en se substituant à lui), soit indirectement (en acceptant les sollicitations d’un requérant sans relayer l’information au principal concerné).

Alors que le manque de compliments est souvent cité comme point noir de la reconnaissance professionnelle, il apparaît que d’autres interactions professionnelles soient bien plus toxiques sur ce plan…

Hormis ces cas « flagrants », il existe des situations plus subtiles où l’attribution est inexistante en tant que telle.  Cela se produit notamment quand de nouvelles attributions apparaissent, ou quand il faut trouver un appui pour mener à bien une mission ponctuelle.  La question se pose alors de savoir qui dispose des compétences (ici dans le sens d’aptitudes) ad hoc.  Par exemple, si un travailleur est réputé pour ses connaissances pointues dans un secteur, faire appel à lui en priorité, c’est faire preuve de reconnaissance professionnelle.  À l’inverse, solliciter les bons conseils d’un autre individu non expert équivaut à nier la compétence du travailleur concerné.

Pour éviter au maximum les dérapages, certaines actions sont à prévoir :

  • définir les rôles : les zones floues sont fréquentes, une réflexion sereine autour d’une répartition précise des rôles s’avère nécessaire,
  • faire connaître les rôles : pour endiguer la méconnaissance et la confusion, il y a lieu de communiquer sur « qui est qui », et surtout sur « qui fait quoi ».  Cela peut se faire par différents moyens : répertoires du personnel, répertoires de connaissances, articles dans le journal du personnel, …
  • faire respecter les rôles : il est illusoire de penser que la simple connaissance des rôles suffit en elle-même.  En cas de dérives ou d’abus, l’intervention du manager peut s’avérer nécessaire,
  • instaurer une éthique des rôles : le respect des rôles n’incombe pas qu’au responsable, tout travailleur, pour chaque situation, doit juger s’il lui revient d’intervenir, ou si au contraire il doit réorienter le demandeur vers un autre interlocuteur plus adapté (cela sous-entend de reconnaître les limites de ses compétences).

La place que l’on occupe

Si les rôles se réfèrent aux missions d’un travailleur, la place renvoie plutôt à ses réalisations.

Parfois, le rôle d’un travailleur est respecté (à savoir qu’il a bien pu exécuter sa mission lui-même), mais sa contribution est passée sous silence, voire une autre personne s’en attribue les mérites.  Il va sans dire que cela est très frustrant pour celui qui a réellement fourni le travail.

La survalorisation des fonctions de management a comme effet pervers que les mérites des collaborateurs sont tacitement attribués au responsables.  Il s’agit là d’une conception du travail faussée et infantilisante.  Or, si l’on se réfère au leadership situationnel ou au concept d’empowerment, les responsabilités du travailleur devraient être croissantes, et ce, même dans les organisations à tendance hiérarchique.

C’est donc bien de place dont il s’agit, la place que doit prendre un travailleur, mais aussi la place qu’on lui accorde.

De la même manière que les rôles de tous les membres d’une équipe doivent être agencés d’une manière globale et cohérente, la place occupée par chacun nécessite une distribution juste et équilibrée.

Conclusion

Qu’il s’agisse de feedback, de rôles, ou de place occupée, l’enjeu central tourne toujours autour du respect, le respect de chaque personne dans son identité, ses compétences et ses talents.