Comment expliquer que certaines personnes, jusque là efficaces, puissent perdre l’estime d’elles-mêmes, jusqu’à vivre une angoisse qui peut les handicaper sur différents plans de leur vie ?
Nous allons ici traiter de personnalités exigeantes avec elles-mêmes, tellement exigeantes qu’elles en deviennent leur propre bourreau. Le jugement qu’elles portent sur leur valeur s’amenuise. Elles ressentent une dévalorisation d’elles-mêmes qui les amène à baisser dans leur estime.

Ces personnes ne sont pas satisfaites de leurs résultats alors que leur entourage trouve qu’elles sont hyper performantes. Si l’on s’intéresse à la manière dont elles réalisent un objectif, le message intrapsychique véhiculé en elles est le suivant : « je n’en attendais pas moins de moi »… Dans leur enfance, c’est un peu comme si elles avaient été élevées par des parents qui ne manifestaient pas vraiment leur satisfaction et qui ne les ont beaucoup encouragées… L’enfant peu stimulé ne s’est pas permis de jouir de la satisfaction de ses propres réalisations.
La personne met la barre toujours un peu plus haut. Elle intègre des exigences importantes qui l’empêchent de ressentir le bonheur de la réussite. La valeur qu’elle s’accorde est le résultat d’un rapport entre son idéal du Moi et ses succès. Plus l’écart entre son idéal et ses réalisations est important, plus l’estime de soi diminue.

Un exemple peut illustrer cette attitude intérieure de mésestime de soi. Nicolas, 35 ans, vient d’intégrer un poste de management dans une nouvelle entreprise. C’est pour lui une promotion qui correspond à un déroulement de carrière idéal : entreprise de grosse taille, de belle renommée, équipe plus importante que celle qu’il manageait précédemment. Il connait bien le métier de base de ses collaborateurs. Et pourtant, peu de temps après son arrivée, il est submergé par le stress : mal au dos, sommeil perturbé, mâchoires serrées à en avoir mal aux  dents, fatigue musculaire, mal être, boule dans le ventre. Il lui est impossible de détacher ses pensées du travail même  durant le weekend. Cela perturbe ses capacités professionnelles : il est assailli de pensées irrationnelles et de doutes, ne sait plus prioriser, ni sortir de l’urgence, ne prend plus de recul, subit une perte de repères. Il se demande s’il ne va pas renoncer à ce nouveau poste.

Lors de la première séance de coaching, nous identifions le driver « sois parfait » – les drivers sont des messages semi-conscients. Il se sent obligé de produire un travail d’excellence. Ce processus inconscient l’amène à  s’interdire d’effectuer certaines activités sous prétexte qu’elles ne seraient pas réalisées de manière exhaustive, ni parfaitement menées. Par exemple, quand il s’agit de traiter  ses messages mails, il veut apporter des réponses tellement complètes et nuancées qu’elles lui demandent un temps infini de préparation et de réflexion, il se trouve alors en incapacité d’agir.

Expliquer le processus d’empêchement à ce type de personnalité est éclairant pour lui. Il identifie très lucidement le message qui le handicape. Il suffit de lui indiquer la façon dont il se met un niveau d’exigence tel que seul un surhomme pourrait l’atteindre pour qu’il apporte des nuances à ses actes.
Lorsqu’il comprend comment il s’empêche de ressentir la satisfaction de sa réussite, il acquiert alors une clé pour renforcer son sentiment de fierté de lui-même. Cela lui permet d’enclencher une énergie pour le projet futur.
Ainsi, petit à petit, il joue un rôle moteur dans le renforcement de son estime de soi et peut corriger la perception qu’il a de sa relation à la réussite.

Ces personnalités à l’esprit logique ont besoin de comprendre comment elles fonctionnent. La thérapie la plus simple consiste à leur expliquer leur processus d’empêchement. Elles se donnent alors leur permission de réduire leurs exigences, de ressentir l’émotion associée à la réussite et d’enclencher le changement comportemental en expérimentant de petites actions, par exemple privilégier de répondre aux mails rapidement plutôt que parfaitement… La pression tombe vite, le bien être revient, associé au désir de continuer de manière performante dans cette entreprise.

En conclusion, je voudrais souligner que l’estime de soi se mérite. C’est donc  dans la durée qu’elle s’acquiert et se renforce. L’opinion que l’on a de soi-même se reconstruit au fur et à mesure des réussites successives : la personne apprend alors à apprécier ses qualités et ses défauts. Plus la personne acquiert une vision de la vie positive et réaliste, plus elle consolide son attitude intérieure et s’estime elle-même.