La notion de compétence est apparue dans les années 1990. 20 ans plus tard, la compétence continue d’être une référence en matière de gestion des ressources humaines. Le management à la compétence place cette dernière au cœur des processus RH : le recrutement, la mobilité professionnelle, la gestion prévisionnelle des effectifs, la formation, l’évaluation, …

Depuis les années 2000, le concept de talent s’est ajouté à celui de compétence. Citons notamment les expressions galvaudées telles que « gestion des talents », « guerre des talents », fidélisation des « hi-pos », … Par contre, à la différence de la compétence, le talent est rarement défini avec précision. Parfois tout simplement employé en tant que synonyme de compétence, parfois confondu avec la performance, associé à une capacité exceptionnelle, ou décrit comme l’apanage d’une élite, la confusion peut facilement gagner les esprits.

Pour schématiser, voici comment nous pourrions distinguer les 2 concepts :

La compétence :

  • est la capacité à mobiliser des ressources (savoir, savoir-faire, savoir-être, …) pour atteindre un résultat. Selon Pierre Miraillès (2007, p. 128), « la compétence se définit par ce que l’individu sait faire »
  • s’apprend au travers de l’expérience, de la formation, du tutorat, …
  • peut être répertoriée dans des dictionnaires de compétences
  • est déduite sur base des tâches à exécuter (cfr. description de fonction)
  • se repère via une performance mesurable (résultat)
  • est observable, à l’aide d’indicateurs de compétences
  • est requise à plusieurs niveaux, dans de nombreux domaines (aspect multi-tâches, exigence de polyvalence)
  • est transférable d’un contexte à l’autre (transversalité)

Le talent :

  • est une disposition stable (synthèse originale et tacite de capacités) pouvant mener à des performances de niveau supérieur. Selon Pierre Miraillès (2007, p. 128), « le talent se définit par ce que l’individu fait mieux que les autres  »
  • ne s’apprend pas, il est présent d’origine, et se peaufine. D’après Alain Hosdey (2009), le déploiement du talent nécessite l’acceptation, la motivation et le travail.
  • n’est généralement pas répertorié, vu qu’il s’agit d’une combinaison originale (par contre, les 34 thèmes du StrenghtsFinder* peuvent donner une indication utile)
  • est intrinsèque à l’individu, indépendamment de la fonction qu’il exerce
  • peut également se repérer via une performance mesurable (généralement meilleure)
  • se détecte par un travail d’observation et de réflexion sur soi-même (ou via le questionnaire du StrenghtsFinder*)
  • sous-tend la spécialisation (affinement des talents, plutôt qu’acquisition de compétences tous azimuts)
  • admet la non-transférabilité des capacités individuelles (le talent ne peut pas être transposé sur quelqu’un d’autre)

 * Fruit de 30 ans de recherche, le StrengthsFinder décrit 34 thèmes à la base des talents.

Centrons-nous davantage sur le principe de talent.

Marcus Buckingham et Donald Clifton (2008) mentionnent deux conceptions erronées sur lesquelles se basent les entreprises, à savoir la capacité d’acquisition de n’importe quelle compétence par tout un chacun, et l’atténuation des lacunes comme potentiel de développement. Dans tous les cas, l’hypothèse de base consiste à croire qu’il y a lieu d’être « omnicompétent »

De même, selon Gérard Rodach et Aviad Goz (2009), la meilleure approche consiste à parfaire ses points forts, plutôt que de vouloir corriger ses faiblesses. Ces auteurs prennent l’exemple d’un coureur de 100 mètres à qui l’on conseillerait de pratiquer le marathon pour progresser. L’essentiel de l’énergie devrait donc être investi sur les atouts.

Ne pas se miser sur ses points faibles ne signifie pas les passer sous silence, mais trouver un moyen de les gérer, ou d’en limiter les conséquences négatives, de manière à pouvoir se focaliser sur ses points forts.

À la lecture de cette nouvelle modélisation, le lecteur pourrait être tenté de faire une croix sur la notion de compétence. Or, l’antagonisme entre compétence et talent n’est que partiel. À cet égard, Marcus Buckingham et Donald Clifton (2008) donnent l’exemple d’un vendeur. Supposons qu’il dispose de talents tels que le charisme, la force de persuasion, … Dans tous les cas, il ne pourra faire l’économie de compétences minimales, que ce soit en termes de savoirs (notamment les caractéristiques des produits, les types de contrats, …) de savoir-faire (communication interpersonnelle, techniques de négociation, …), ou de savoir-être (gestion des émotions, …). Le talent ne peut donc se passer des compétences. Par contre, si un individu quelconque peut acquérir des compétences dans un domaine (en l’occurrence, la vente, pour reprendre notre exemple), seul l’individu possédant des talents en la matière pourra y exceller de manière notable.

Dans son article, Pierre Mirallès évoque plusieurs actes de gestion nécessaires à la gestion des talents en entreprise : le scouting (détection), le casting (composition d’équipe), le coaching (accompagnement personnalisé), et le cocooning (fidélisation).

En conclusion, le principe de talent conduit à un nouveau paradigme, qui n’exclut pas la compétence, mais l’intègre dans un ensemble plus complexe. Ce nouveau modèle implique des actions spécifiques dans le chef du travailleur et de l’entreprise. Le travailleur se doit de découvrir quels sont ses points forts, et investir ce potentiel. Mais cette éclosion ne saurait voir le jour sans l’intervention de l’entreprise, qui doit lui offrir l’environnement favorable à son développement. Au final, se crée une relation win-win entre un travailleur qui développe le meilleur de lui-même, et l’entreprise qui peut atteindre un haut degré de performance.