Mal être, épuisement professionnel, stress, violences envers les autres (et soi-même), conflits… Derrière ces symptômes ou pathologies se cache une histoire individuelle et collective dans le milieu de travail.

En tant que psychologue du travail, je suis bien sûr confrontée à ces récits d’histoires de vie au travail. Les personnes qui viennent me voir sont souvent déjà en « fin de course », ayant dépassé le « point de non retour »… (en arrêt longue durée, en dépression depuis plusieurs mois, en processus d’inaptitude…). Les issues possibles dans ce type de situations sont alors très réduites et la reconstruction personnelle longue.

Ces personnes en souffrance à cause de leur travail, ont vécu des événements professionnels difficiles  auxquels s’ajoute une situation d’isolement. L’isolement professionnel et relationnel (mise au « placard », retrait des principales missions, disparition des pauses avec les collègues, des espaces de discussion…) est un facteur essentiel dans la descente vers une situation d’impasse menant parfois  à une décompensation violente (ce que couramment on appelle le « pétage de plomb ») en milieu professionnel.

Le travail est bien une activité sociale. Notre production ou service s’adresse à l’autre en tant que client, collègue, confrère, patient, compagnon… On comprend aisément que la relation aux collègues, la possibilité de s’exprimer à propos de son mal être avec les autres salariés est un facteur crucial dans la faculté des individus à supporter ou non la situation de travail. Le soutien social au travail est un élément indissociable du bien être au travail.

En témoigne, cette étude récente de BVA pour son Observatoire du Travail 1 qui place les collègues de travail au premier rang des ressources dans la résolution des problèmes au travail. Cette étude va même plus loin dans la démonstration puisque les relations avec les collègues de travail constituent le premier critère de satisfaction au travail devant le contenu même du travail. La vie professionnelle est donc un espace social, d’échange, de construction de soi et de reconnaissance, essentiel pour chacun de nous.

Les discussions autour de la machine à café, les réunions d’expression des salariés, la porte ouverte d’un bureau, les discussions informelles autour d’une difficulté sont autant de possibilités données à chacun de s’exprimer sur le champ du travail et de ses à côtés. « Craquer » au travail n’est pas résultante d’un facteur ou événement unique, c’est une situation globale, une histoire souvent longue émaillée d’événements qui renforcent le sentiment d’impuissance et d’enfermement de l’individu.

La santé au travail est donc l’affaire de tous médecins, dirigeants, managers et salariés. La prévention des risques psychosociaux n’est pas seulement une obligation légale, elle est dans notre quotidien de travail une philosophie de la vigilance et de l’ouverture à la souffrance de l’autre autant qu’à notre propre souffrance.