L’entretien de recrutement : toujours d’actualité

L’entretien d’embauche, mené par le chargé de recrutement, le responsable RH et/ou le manager de terrain, constitue l’une des étapes incontournables pour l’engagement d’un nouveau collaborateur.
Selon le style des recruteurs, l’entretien sera cadenassé dans un canevas préparé à l’avance (entretien structuré), fera l’objet d’une improvisation en mode free style (entretien non structuré), ou bien combinera les deux approches (entretien semi-structuré).

Si certaines questions sont conçues ad hoc, d’autres revêtent davantage un format standard, indépendamment du poste ou de l’entreprise en question.

Parmi les questions-type que l’on retrouve inlassablement en entretien d’embauche, certaines d’entre elles perdu de leur pertinence au fil des années:

Top 5 questions has been en entretien de recrutement

  • Quels sont vos 3 qualités et vos 3 défauts ?

Si cette question était intéressante il y a 10 ans, elle ne l’est plus du tout aujourd’hui, et ce pour trois raisons.
Premièrement, les postulants sont drillés en ateliers de recherche d’emploi, où on leur explique très clairement ce qu’il faut répondre (notamment fournir des « faux » défauts ; quel recruteur ne s’est pas entendu répondre comme défaut « je suis perfectionniste » ?).
Deuxièmement, le candidat n’est pas dupe, sans même y être préparé, il sait très bien que, pour s’en sortir la tête haute, il y a des réponses à éviter, ou au contraire, à produire. À ce jeu-là, il ne faut pas s’attendre à une transparence exemplaire…
Enfin, rien ne nous dit que la personne en face de nous raconte la vérité, car s’inventer des qualités de toute pièce, ou passer sous silence des défauts gênants, n’est pas difficile en soi.

  • Quels sont vos hobbies ?

Flirtant avec l’indiscrétion (cf. sphère privée), cette question est peu exploitable en soi. En effet, si le candidat nous dit « j’aime passer mes soirées à lire des romans », peut-on se permettre de conclure que cet individu est un introverti incapable de contacts sociaux ? Ou bien s’il nous parle de karaté, cela signifie-t-il qu’il sera combattif au travail ? Rien n’est moins sûr… La « psychologie de cuisine » (et son lot de raccourcis et d’interprétations toutes faites) n’est pas à conseiller.

  • Savez-vous … [faire preuve d’autorité / gérer le stress / …] ?

Est-il pensable que le candidat réponde « non, j’en suis incapable » ? Quand bien même il serait demandé à l’interviewé de donner des exemples, celui-ci se limite souvent à des situations vagues ou non pertinentes par rapport à une situation de travail.
Les questions fermées (se soldant pratiquement uniquement par un « oui » ou « non », voire au mieux un soi-disant exemple), tout comme les questions générales et très vastes sur des grands thèmes (le stress, le sens de l’organisation) ne présentent pas de réel intérêt, car le candidat ne saura y répondre adéquatement.

  • Préférez-vous travailler seul ou en groupe ?

Comme pour le 1er exemple cité, les candidats actuels savent très bien ce qu’ils doivent répondre (en gros : « j’aime les deux ! »). Et de toute façon, la plupart des jobs demandent à la fois autonomie et esprit d’équipe. Pourquoi vouloir forcer le candidat à émettre un choix parmi deux aptitudes essentielles ?

  • Où vous voyez-vous dans 5 ans ?

Dans un monde de plus en plus mouvant, cette question perd une grande partie de son sens. Bien sûr, il est intéressant de cerner l’aptitude du candidat à se projeter dans l’avenir, et sa volonté d’auto-développement, mais dispose-t-il de toutes les cartes en main pour jouer « Madame Irma » ?
Par ailleurs, sans connaître les réelles possibilités d’évolution au sein de l’entreprise (information qui n’est pas toujours disponible au préalable), le candidat marche sur des œufs : s’il se montre trop entreprenant, il se voit répondre que l’entreprise ne peut pas lui offrir l’évolution qu’il désire ; a contrario, s’il se montre modeste, l’employeur pourrait déplorer son manque d’ambition.

Pourquoi une question d’entretien devient-elle has been ?

Certaines questions « classiques » mériteraient une belle place aux archives du recrutement, et ceci s’explique principalement par deux paramètres :

  • « Sur-préparation » des candidats

Le secteur de l’orientation professionnelle, comme celui de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ont tous deux développé des outils de préparation aux entretiens d’embauche. Sur ce sujet, les ouvrages disponibles en librairie sont légion. L’essentiel de cette information est également disponible sur Internet.
Par conséquent, plus une question est répertoriée dans ces guides, plus le candidat a des chances de s’y être préparé. Or, la préparation n’est pas une mauvaise chose en soi, à condition qu’elle ne nuise pas à une certaine forme de spontanéité.

  • Désirabilité sociale

Pour être efficace, une question ne doit pas permettre au candidat de déduire ce qu’on attend de lui. Concrètement, toute question dont la réponse est évidente pour la part des individus, est à bannir. Par exemple, si vous posez comme question « Il est l’heure de quitter votre travail, mais il reste des clients qui attendent, que faites-vous ? » , la majorité (pour ne pas dire l’unanimité) des interviewés vous répondront sans la moindre hésitation qu’ils resteront pour servir les clients. Pourquoi ? Parce que c’est ce qu’attendrait raisonnablement n’importe quel employeur, et que ceci est évident pour à peu près tout le monde.

Comment poser des questions d’entretien adéquates ?

  • Méthode S.T.A.R.

La méthode S.T.A.R. consiste à demander au candidat d’exposer une situation (S) où il a dû mettre en exergue une compétence particulière, le travail (T) qu’il a dû exécuter, les actions (A) qu’il a menées, ainsi que le(s) résultat(s) obtenus (R).
Par exemple, plutôt que de demander « avez-vous le sens de l’organisation ? », ou bien « quels sont vos qualités et défauts ? », demandez au candidat de fournir des exemples concrets. Cette méthode a l’avantage de mettre les dires du candidat à l’épreuve des faits. Ceci dit, les questions restent souvent générales, et il n’est pas toujours possible pour le candidat d’extirper de sa mémoire des exemples pertinents sur-le-champ.

  • Questions sur mesure

Il est toujours préférable de poser des questions ad hoc plutôt que des questions « prêtes-à-poser ». Pour ce faire, le recruteur pourra s’imprégner du contexte de la fonction, des tâches à effectuer, des compétences à mobiliser, …, s’inspirer de ces différents éléments pour poser des questions uniques qui signeront l’originalité de l’entretien.
Un sous-type de question sur mesure est la mise en situation, qui présente l’avantage d’éviter les grandes généralités abstraites. Le candidat est face à un problème contextualisé, et doit exprimer quelle serait sa réaction, son plan d’action, … et le recruteur peut observer de visu les compétences que le candidat mobilise.

Conclusion

Le monde change… Les RH évoluent, en ce compris le recrutement. Le traditionnel entretien d’embauche n’est pas épargné par cette tendance. Afin de garder le cap, et de rester connecté à une réalité actuelle, il est essentiel de garder un regard critique sur les questions que l’on pose en entretien de recrutement, et de pouvoir les adapter si nécessaire.

Idéalement, aucune question de recrutement ne devrait devenir « un grand classique », et encore moins une « question bateau ».

Idéalement, l’entretien devrait être conçu comme une rencontre de deux enjeux (une analyse de compatibilité), plutôt qu’un un jeu de bluff, où chaque joueur (candidat et employeur) tente de démasquer l’autre, tout en dévoilant le moins possible sur ses cartes en main.

Atteindre l’authenticité lors de l’entretien de recrutement ne se fera qu’à condition d’oser remettre en question les pratiques courantes, et d’analyser de plus près la pertinence de chaque question posée.