«Moi, je ne m’ennuie jamais ! » Un bon point pour vous ! Mais pour les autres ? Tous ceux qui redoutent la solitude, la porte que l’on pousse sans « Hello ! ».  Les bataillons de célibataires, les flopées de timides, le peuple des divorcés, les fils et filles uniques ? Ils ont pourtant la fibre fraternelle. Alors ? Comment appartenir à une communauté d’idées, de goûts. Comment exister en dehors du lycée, du bureau, et clamer sa différence ? La question est : ai-je besoin d’autrui ?

Bien entendu, la réponse est oui. Pourquoi ne pas rejoindre les réseaux sociaux ? Ces salons virtuels où, à l’image de ceux du XVIIIe siècle, il est de bon ton de se divertir, discuter de tout, légèrement, superficiellement. Tous s’y retrouvent, d’ailleurs le phénomène est planétaire. Les plus jeunes, assoiffés de modèles à suivre et de reconnaissance.

Les matures, affichant une assurance d’airain, affutent leur stratégie marketing et complètent utilement leur batterie de cartes de visites. Avec les réseaux, « les amis » se multiplient, à l’infini. Vous connaissez le vertige d’amitiés boule de neige. Un ami virtuel en génère un second puis un troisième, puis deux cents, sept cents, mille… Cependant, l’amitié tenue à distance est un mirage. Les réseaux ne sont qu’un jeu, une course un peu folle, une sorte de Lewis Carroll mais sans possibilité de passer de l’autre côté de l’écran. Vous pensez que ces gigas clubs ne sélectionnent que les meilleurs. Cependant,  ils sont faussement élitistes puisque le challenge est d’enregistrer le plus grand nombre de membres. Par le biais de Twitter ou Facebook, vous vous mettez en vitrine, affichez votre meilleur profil. Décontracté, futé, informé, tendance, glamour et toujours jeune ! Quel plaisir de ne plus être anonyme, d’afficher ses talents de photographe, son humour, sa plume.  Les réseaux vitaminent l’égo.

Cependant, pour puiser dans le grand bon sens d’un fameux fabuliste, leurs membres n’imitent-ils pas par leurs qualités supposées la chétive grenouille qui grossit, grossit, pour paraître ce qu’elle n’est pas ? Exister à travers un réseau, c’est rêver sa vie mais attention à l’atterrissage ! S’amuser, certes, mais ne pas se leurrer sur ces amitiés désincarnées. Car qui retrouve-ton après l’impulsion sur le bouton « off » ?  La solitude, qu’il s’agit  d’apprivoiser avec un bon bouquin, une sonate, une marche dans la nature. Voilà les secrets « d’une tête bien faite » selon – souvenez-vous de cet expert en amitié – Montaigne, bien sûr ! Ne pas craindre les tête-à-tête avec soi-même, pour être, ensuite,  tout simplement capable d’amitié. Et pourquoi pas, au final,  capter, au hasard des échanges sur les réseaux sociaux, un véritable ami ? Lui donner rendez-vous, dans la vraie vie.  Rien ne vaut la proximité, la chaleur d’une poignée de main, un baiser sur la joue, une accolade et le parfum tabac-fougère que laisse derrière lui un ami choisi.