Les mutations économiques et sociétales apportent leur lot de changements dans le monde du travail. La façon dont nous concevons le travail à l’heure actuelle va sensiblement évoluer. De même, le travailleur du futur aura un tout autre visage. Les attentes à son égard connaîtront des bouleversements. Analysons de plus près la métamorphose :

De la structure bureaucratique à la structure par projets / en réseau

Manuel Castells avait déjà prédit en 1996 l’avènement d’une nouvelle forme d’organisation, dans laquelle s’amenuise la hiérarchie telle que nous la connaissons, et où les travailleurs s’associent dans des projets, via les nouveaux médias.

En référence aux configurations institutionnelles « classiques » décrites par Henri Mintzberg (1998), Didier Bardin (2006) entrevoit de nouvelles structures d’organisation : l’organisation par projets, et l’organisation en réseau.

D’après Bob Aubrey (2000), l’identité figée et l’appartenance unique ne sera plus d’actualité dans les nouvelles organisations. Au contraire, c’est la reconstruction libre de l’environnement qui sera d’application.

Mais pour pouvoir développer ses projets en réseau, il faut pouvoir se lier à d’autres professionnels, que ce soit en internet ou en externe. Le lien hiérarchique sera donc remplacé par un rapport de synergie (Hervé Serieyx, 2000).

Thomas Malone (2004), lui, ne parle pas de structure. D’après lui, tout individu développera son « entreprise unipersonnelle » et prendra part à plusieurs projets, un peu comme le fait un artiste.

Plutôt que de suivre un contenu de tâches uniforme et stable, l’individu participera à plusieurs projets en parallèle et sera donc dans une dynamique de gestion d’un portefeuille d’activités (parfois dans des domaines différents, ce qui amènera une identité multiple, cf. le concept de « slasher »). De plus, tout projet individuel demandera une recherche de partenariats avec d’autres individus (lien d’interconnexion).

De la description de fonction au personal branding

Jusqu’à présent, c’est l’employeur qui délimitait le contenu des tâches de son employé via une description de fonction. La notion de compétence (ce que la personne est capable de faire) était le point de repère principal.

Or, avec le personal branding, c’est le contraire qui se passe : l’employé propose une offre de service unique à son employeur. C’est donc le concept de talent (ce que la personne fait de mieux) qui prend la relève.

La logique du travailleur standard (et « l’anonymat » qui en découle) va progressivement laisser place à la logique d’unicité. Chaque profil aura une « coloration » particulière. Le travailleur devra affiner ses talents et miser sur la singularité.

De la sécurité à l’employabilité

Jusqu’il y a peu, la carrière ressemblait à une ligne droite. Le parcours professionnel à venir ressemblera davantage à un chemin sinueux, avec des rythmes irréguliers, et des changements fréquents, dans le même secteur ou non (Serge Panczuk, 2007).

Face aux irrégularités d’un parcours de carrière, l’individu devra plus que jamais faire preuve d’une capacité permanente d’adaptation (à de nouveaux contenus, de nouvelles tâches, de nouvelles conditions de travail, …), montrer une ouverture au changement (avec un réel processus de gestion personnelle du changement), et s’engager dans un processus d’apprentissage et d’auto-développement.

L’employeur n’est plus en mesure de promettre des emplois à long terme. Le contrat psychologique va donc devoir évoluer. La sécurité d’emploi laissera la place à l’employabilité (qui renvoie à la capacité à retrouver rapidement un nouvel emploi). Concrètement, il s’agira, pour l’employé, de profiter de son expérience actuelle, pour affiner son profil de sorte de pouvoir « rebondir » facilement.

Plaçant l’individu comme gestionnaire autonome de sa carrière, Brian O’Connell (2002) décrit ce qu’il appelle le gold-collar worker. Ce dernier se démarque notamment par : la prise de responsabilité face à sa propre carrière, l’analyse régulière de ses forces et faiblesses et le suivi d’un plan de carrière, la curiosité d’esprit, la mise à jour vis-à-vis des nouvelles tendances, le positionnement sur des zones non occupées (par manque de profils compétents disponibles), la création d’un réseau, la prise d’initiatives, l’enthousiasme, …

L’employabilité exigera du travailleur qu’il soit manager de sa propre carrière. Pour cela, il utilisera des outils semblables au manager d’entreprise : analyse « swot », recyclage permanent, objectifs, anticipation des tendances futures, occupation de « niches » jusque là inoccupées, mobilisation du réseau, stratégie, …

Enfin, la carrière se dessinera au jour le jour, avec des ajustements fréquents. « Il s’agit bien de regarder son activité professionnelle comme un voyage en cours, un chemin à créer, à produire, au fur et à mesure, sans certitude et sans modèle » (Josette Layec, 2006).

Le travailleur sera amené à s’investir dans une démarche d’orientation professionnelle tout au long de sa carrière (identité mouvante). Par ailleurs, il devra pouvoir développer sa capacité de gérer l’incertitude et de créer ses propres modèles.

De l’employé à l’intrapreneur

Le contexte économique pousse les entreprises à innover. Mais l’innovation est très difficile à mettre en place dans les structures organisationnelles actuelles (notamment le modèle bureaucratique).

Les entreprises devront davantage s’ouvrir à l’intrapreneuriat. L’intrapreneur, véritable entrepreneur au sein de l’entreprise, prend des initiatives, détecte des opportunités, mobilise ses ressources internes et externes.

L’obéissance et la passivité tomberont en désuétude, au profit de l’intrapreneuriat, démarche qui impliquera l’autonomie, la créativité, le repérage ou la création d’opportunités.

Du robot remplaçable au linchpin

Le travailleur d’aujourd’hui dispose de compétences liées à sa profession, s’applique à bien faire son travail, suit les nouvelles tendances lorsque celles-ci deviennent la norme, préfère ne pas prendre de risque, et s’en tient au prescrit.

Le travailleur linchpin (Seth Godin, 2010) effectuera davantage que ce qui lui est officiellement demandé, et ce, spontanément, non pas pour attirer l’attention, mais parce qu’il sera intimement convaincu de l’utilité de son action.

Le futur travailleur valorisera une combinaison originale de compétences (skill set), misera sur la création, l’originalité, et l’initiation, tendra vers la prise de risque, l’initiative et l’audace, fera preuve d’un réel engagement personnel dans toutes ses actions, et proposera sa propre vision.

En conclusion :

Le visage du travailleur nouveau vient d’être esquissé dans ses contours. À première vue, cette description peut paraître décourageante, tant la barre est placée haut. Mais à y regarder de plus près, l’individu aura l’avantage de se prendre en main, de gagner en liberté, et d’être un peu plus lui-même.