Du contrat formel…

Le contrat de travail spécifie toute une série d’obligations réciproques dans la relation employeur/travailleur (rémunération, horaires, traitement de l’information, confidentialité, …).  Mais tous ces devoirs sont généralement d’ordre pratico-pratique, juridique ou éthique.

Comme nous allons le découvrir, ces droits et devoirs ne recouvrent pas l’ensemble des attentes réciproques que peuvent entretenir l’employeur et le travailleur.

… au contrat psychologique

Lors d’un entretien de recrutement, le candidat doit « se vendre » (mettre en exergue des forces valorisables pour l’entreprise) et le recruteur doit valoriser la marque employeur (attractivité de l’entreprise).  C’est le moment crucial où se joue une négociation tacite qui dépasse de loin toute clause contractuelle.

Le contrat psychologique se réfère aux attentes implicites réciproques qui sont sous-jacentes à la relation de travail.  Il recouvre tout ce qui n’est généralement pas exprimé par écrit.  Du côté de l’employeur, il peut s’agir d’une attente en matière de performance, d’implication personnelle, de temps de prestation et d’horaires, de résolution de problèmes, …  Pour le travailleur, il renvoie à une ambition personnelle, à une culture d’entreprise désirée, à une ambiance de travail propice, à l’autonomie, …

Pour schématiser, le contrat de travail renvoie aux éléments rationnels, tandis que le contrat psychologique fait référence au monde du ressenti.

Il est à noter qu’un décalage peut survenir entre le contrat psychologique perçu et la réalité.  En effet, les interlocuteurs en présence n’ont pas l’occasion de tout explorer lors de l’entretien, ni de se mettre d’accord de manière formelle sur leurs perceptions respectives.  Par ailleurs, il existe des attentes inavouables (ex. ambition d’atteindre un haut niveau hiérarchique), et des besoins non exprimés voire non explorés par les intéressés eux-mêmes (ce n’est que par la suite, exposés à la réalité de terrain, qu’ils peuvent prendre conscience de certaines nécessités).  Lorsqu’il y a « canif dans le contrat », la déception est au rendez-vous, et peut mener à la rupture de la relation de travail.

Par ailleurs, le contrat psychologique est en phase d’évoluer d’un « ancien » modèle à un « nouveau » modèle :

Caractéristiques de l’ancien contrat psychologique

Attentes de l’employeur vis-à-vis du travailleur :

– acceptation du travailleur de se former ponctuellement pour répondre à des besoins spécifiques

– rôle professionnel fixe

– obéissance et loyauté

– relation de travail contrôlante

– engagement contractuel

– obligation de moyens

– orientation-institution

 

Attentes du travailleur vis-à-vis de l’employeur :

– sécurité d’emploi

– responsabilité du management face au succès de l’entreprise

– ligne de démarcation nette entre vie professionnelle et vie privée

– stabilité du contexte professionnel (peu de changements)

– carrière uniforme

 

Caractéristiques du nouveau contrat psychologique

Attentes de l’employeur vis-à-vis du travailleur :

– démarche spontanée du travailleur de se former pour atteindre un meilleur niveau de performance, et pour s’auto-développer

– satisfaction rapide des besoins immédiats de l’organisation et rôle professionnel mouvant

– autonomie et initiatives

– co-responsabilité face au succès de l’entreprise

– engagement personnel et adhésion

– obligation de résultats

– orientation-client

– flexibilité

– carrière « patchwork »

– adaptabilité au changement

– frontière plus floue entre vie professionnelle et vie privée

 

Attentes du travailleur vis-à-vis de l’employeur :

– employabilité (= capacité à trouver un travail rapidement, par le maintien d’un haut niveau de compétences)

– contexte professionnel qui permet le développement des compétences (et donc l’employabilité)

– relation de travail basée sur la confiance

– participation accrue aux processus décisionnels

 

Quelles sont les implications concrètes du nouveau contrat psychologique pour  le travailleur?

Pour le travailleur, le changement de paradigme aura pour conséquences principales :

– accommodation à une certaine instabilité et capacité à rebondir (résilience)

– nécessité de quitter sa zone de confort

– responsabilité accrue face aux résultats obtenus

– prise de décisions

– devoir d’appropriation du projet d’entreprise

– projet professionnel à définir et développer (et à moduler au besoin)

– déploiement d’une marque personnelle

 

Nouveau contrat psychologique, nouvelle gestion des ressources humaines ?

En matière RH, les défis sont nombreux :

 

En matière de marketing RH et recrutement :

Personne n’apprécie la publicité mensongère ou les promesses abstraites.  La marque employeur a donc tout intérêt à s’objectiver (par des critères mesurables) et à s’affiner (par une réflexion sur les engagements que l’entreprise est prête à prendre pour les travailleurs).

Lors d’un entretien de recrutement, les composantes principales abordées sont généralement le parcours professionnel (réalisations passées), les compétences et la motivation.  Mais qu’en est-il du climat professionnel apprécié ?  des valeurs professionnelles ? des performances à venir ? du niveau d’autonomie ? …  Toutes ces zones d’ombre qui caractérisent justement le contrat psychologique mériteraient donc d’être clarifiées et mises à plat lors du recrutement.

Je vais encore un pas plus loin : dans quelle mesure certains éléments du contrat psychologique ne vont-ils pas être amenés à être tout simplement contractualisés (mis par écrit) ?

 

En matière de formation :

Le travailleur doit pouvoir se former, non seulement  pour répondre aux besoins de l’entreprise, mais également pour assurer son employabilité, en ce compris pour des aspects parfois non liés directement à l’entreprise.  Les besoins en formation vont donc certainement augmenter, et la gestion des formations sera davantage individualisée.

 

En matière d’évaluation :

Dans une relation de travail considérée à moins long terme, il devient nécessaire de mettre en place des feeds-backs plus fréquents.

Par ailleurs, le travailleur aura besoin de garder une trace de ses performances.  L’implémentation et la gestion de portfolios individuels et/ou la validation formelle des compétences (éventuellement par un organisme extérieur) sont des pistes à envisager.

 

En matière de gestion du changement :

D’ordinaire, le changement a lieu sporadiquement, et se gère par « pics » de crise.  Mais dans un monde qui évolue toujours plus vite, le changement devient permanent.  Il y a donc lieu de l’encadrer d’une manière systématique et professionnelle.

 

En matière de bien-être au travail :

On en demande toujours davantage au travailleur.  Les exigences et les attentes de l’employeur sont grandissantes.  Cela risque de créer un climat de stress propice à l’épuisement professionnel.  Une réflexion de fond n’est pas superflue quant à se fixer des limites raisonnables dans ce qui est demandé au travailleur.

 

En conclusion :

Les changements du monde socio-économique sont en passe de modifier la relation de travail.  Employeur et travailleur doivent trouver de nouveaux compromis équilibrés.  Et c’est aux RH que revient la responsabilité de trouver des solutions adaptées et créatives, compte tenu de cette nouvelle donne.